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La grande image qui n’a pas de forme

La grande image qui n'a pas de forme (extrait de L’archipel des idées de François Jullien, Seuil, 2003)

Et d’abord : « Le grand carré n’a pas d’angle » (Laozi).

Que signifie « grand » ? Non pas grand en taille, bien sûr, mais ne se limitant pas à sa détermination (de carré), ne se bornant pas à sa propriété : c’est bien « carré », mais sans se borner à sa nature de carré, la détermination n’est pas exclusive.

De même « la grande image n’a pas de forme » : tout en prenant cette forme-ci, elle reste disponible et ne s’enlise pas dans sa détermination. Elle est l’image com-possible : « c’est une montagne et en même temps des centaines d’autres montagnes… »

 

"La conquête de l’objectivité est une avancée théorique – héroïque – de l’Occident, redonnant sens à cette appellation douteuse. C’est à penser sa possibilité que s’est attachée la philosophie ; c’est elle qui a permis le succès vérifié de la science ; c’est à sa représentation que s’est vouée passionnément, y quêtant l’illusion du vrai, la peinture classique.

Mais cette construction rationnelle de l’objet n’a­t­elle pas enseveli d’autres possibilités de cohérence ressurgissant génialement, par effraction, dans la peinture moderne et dans la poésie ?

C’est au désenfouissement d’une telle intelligence que convient de leur côté, en toute sérénité, les Arts de peindre de la Chine ancienne que nous abordons ici : en traitant d’une image qui ne se laisse pas cantonner dans l’exiguïté de la forme, mais se transforme par respiration du vide et du plein, et écrit dans les polarités du paysage l’incitation qui tend la vie."

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